Immigration : les souffrances et la dignité de ma mère, partie d’Oujda pour Paris

Lorsque l’on est au bled et qu’on quitte notre pays natal pour travailler ou autre, il faut savoir que la vie n’est plus la même. La nourriture, les habitants, les tenues vestimentaires, la mentalité, la façon de vivre, les rues, les maisons, les immeubles, les commerces et les prix changent. C’est une nouvelle vie qui commence. Soit tu réussis, soit tu tombes. Le changement n’est facile pour personne.
Ma mère s’est mariée à 18 ans à Oujda, au Maroc, et est venue en France un an après. Elle est venue rejoindre mon père à Paris. Elle était si impatiente d’arriver en France. Elle ne savait ni lire, ni parler et écrire français. Elle ne connaissait pas la France et n’avait pas de travail jusqu’au jour où elle trouva du travail comme nourrice et technicienne de surface. À l’époque, on n’avait pas besoin de diplôme pour ces métiers-là. Elle rentra donc dans la vie active.

De retour au bled, ma mère ne racontait que du bien de la France mais elle avait les larmes aux yeux.

Deux ans après, elle retourna voir ses parents, sa famille au bled. Elle mit un pied à Oujda et sentit la bonne odeur du bled. Rien n’avait changé. Ma mère n’a pas eu une vie facile pendant ces années-là, mais elle ne racontait que du bien de la France à sa famille qui l’enviait. Elle racontait ses histoires et avait les larmes aux yeux. Sa famille ne se rendait pas compte à quel point le bled lui manquait. Elle retourna en France puis continua sa routine. Chaque année, elle retournait au bled.

Des années plus tard, tout avait changé à Oujda. L’odeur n’était plus la même.

Puis, quinze ans plus tard, ayant eu quatre enfants, elle ne pouvait plus trop retourner au bled. Six ans plus tard encore, on alla avec elle au bled. Mon père n’aimait pas y aller. Quand on arriva à l’aéroport d’Oujda, ma mère ne reconnaissait plus rien. Les touristes ressemblaient aux habitants d’Oujda et les habitants ressemblaient aux touristes. L’odeur était la même qu’avant mais le paysage avait beaucoup évolué. Sur la route, on rencontrait beaucoup de mendiants. Mais, ma mère ne faisait pas vraiment attention. Elle avait gardé tellement de beaux souvenirs de son passé que tout restait positif dans sa tête.
Ainsi, je pense qu’on doit rester fidèle à son passé et ses origines car c’est peut-être la seule belle chose qui nous reste de notre vie d’avant.

Amel, Terminale gestion administration

Article paru dans PPL Actus numéro 2, mai/juin 2016.

Photo d’illustration : Oujda. place de bab al gharbi – Wikimedia Commons, Iznassen.