Adopté, comment le vit-on ?

Pendant vingt ans, j’ai vécu différemment des autres personnes, j’ai été adoptée à l’âge de deux ans en Colombie. Je suis arrivée en France en février 1999. Ma vie a été tout autre que les enfants « normaux », on me posait toujours les mêmes questions : « pourquoi tes parents sont blancs et toi marron ? », « tu ressembles plus à qui ? », « tes parents sont grands ou petits ? ». Je ne savais pas quoi répondre et j’étais toujours obligé de mentir. Ce qui était le plus dur, c’était à l’adolescence quand tu ne sais même pas à qui tu ressembles. Toute ta vie tu te poses des questions, « à qui je ressemble ? », « pourquoi moi ? ». Le jour de mes 15 ans, j’ai pu prendre mon dossier et le lire. Cela n’a pas été une chose facile la première fois. Je l’ai à peine lu et je l’ai refermé direct. Mes parents qui ont toujours voulu avoir un enfant et moi qui les rejetais, je leur disais sans cesse « vous n’êtes pas mes parents », « envoyez-moi dans mon pays », « je vous aime pas ». L’adolescence a été très dure.

Pour la première fois cet été, je vais rencontrer ma famille en Colombie

Mais plus on grandit, plus on se renforce et mûri. Une fois mon dossier lu, j’ai compris mon histoire et au final je me suis dit que j’avais eu de la chance d’avoir eu une vie comme celle-là. J’ai pu faire des études, avoir à manger, des habits, alors que si j’étais restée là-bas ma vie aurait été tout autre chose… Depuis novembre dernier, j’ai réussi à retrouver ma famille en Colombie et cela m’a enlevé un grand poids. J’ai pu en savoir plus sur mon histoire, je n’ai jamais désespéré, je les ai toujours cherchés. Je vais les rencontrer pour la première fois cet été. Connaissant la vie de ma famille là-bas, je me suis dit que j’avais vraiment de la chance d’avoir eu cette vie-là.

Anonyme

Un article publié dans PPL Actus numéro 6, mai 2018.

Photo d’illustration : Pexels