En 2013, alors ancien premier ministre Emmanuel Valls stigmatisait les Roms, les jugeant incapables de s’intégrer. Une élève gitane en 1ère bac pro, arrivée en 2011, nous décrit son parcours d’intégration. Un chemin rebelle, pas toujours facile, entre hostilité de la société française et de certains responsables politiques, et contraintes familiales strictes qui pèsent sur les filles gitanes.
Bonjour, il y a six ans que je suis venue en France. Au tout début, je ne parlais pas du tout français, les seuls mots que je connaissais étaient « bonjour, merci, au revoir, maman et papa ». Je suis venue ici pour des raisons personnelles parce que ma grand-mère est morte et il y n’avait plus personne pour me garder, moi et mon frère. Mes parents étaient déjà ici, en France.
J’ai appris la langue et en 3ème j’avais des moyennes plus élevées que les élèves Français
En février 2011, je suis venue pour la première fois. Ma mère a fait les démarches et, moi, je suis rentrée en 6ème dans un collège non francophone à Sartrouville. J’étais dans une classe où personne ne parlait français. Il y avait des Haïtiens, des Maliens, des arabes et un seul Roumain. Mais, ils étaient plus grands et ne me parlaient pas. Dans ma classe, quand tout le monde rigolait à une blague, moi, je ne comprenais pas pourquoi les autres se marraient.
Avec le temps, j’ai grandi, petit à petit, j’ai appris la langue et, en 3ème, j’avais des moyennes plus élevées que les élèves Français. Aujourd’hui, j’ai 17 ans, et les gens commencent à rigoler quand ils entendent que je suis gitane. Oui, je suis gitane et je l’assume. Je ne comprends pas pourquoi on est discriminés dans la société.
Il y a plusieurs types de gitans. Les Roms, ceux qui vivent dans les caravanes, les tsiganes, ceux qui font de la musique dans le métro, et les gitans, comme moi, qui essayent de s’intégrer dans la société. Chez nous, on a des traditions spéciales : notre culture, nos vêtements, la langue qu’on parle entre nous, tout ça, j’adore ! En France, tu ne peux pas vivre ça, jamais depuis six ans ! Suite de l’article de M.A.
J’espère qu’un jour, je vais rentrer et vivre là-bas, parce que, moi, je ne suis restée ici que par obligation, pour finir mes études. Une fois celles-ci terminées, j’espère rentrer.
Mariages arrangés et culture stricte pour les filles
Nous, les filles gitanes, on n’est trop strictes. On n’a pas le droit de sortir. On doit garder nos petits frères, faire le ménage, faire à manger des plats tradionnels et on se marie très jeunes. Des fois, ce sont les parents qui arrangent les mariages. Et après le mariage, on doit mettre le voile et porter des jupes tradionnelles avec des pleurs. Mais, tout cela ne me concerne pas. Moi, ça fait deux ans que je sors avec un garçon, un gitan aussi parce qu’on n’a pas le droit de se marier avec un autre d’une autre religion, d’une autre culture que nous. Au début, mes parents n’étaient pas au courant parce que chez nous, on est très strict et j’avais peur de l’annoncer à mes parents. Avec le temps, ils l’ont appris et la « guerre » a commencé depuis…
Quand j’étais là-bas, ils ne me laissaient pas le voir. On galérait pour passer au moins une heure ensemble quand mes parents n’étaient pas là. Avec toutes ces histoires, toutes ces embrouilles, on ne s’est, malgré tout, pas séparés. Aujourd’hui, on est encore ensemble. Il s’est passé des bêtes de choses : on a même voulu fuguer de la maison pour rester ensemble. Ma mère l’a appris et ça s’est mal passé… Bref, c’est ma culture stricte, mais je l’aime.
Le martisor, la fête du printemps en Europe du Sud-Est
Le martisor, c’est une tradition très importante que tous les Roumains respectent. C’est un bracelet composé de deux fils blancs et rouges qu’on ne trouve que dans les épiceries balkaniques. On le met le 1er mars, on l’enlève le 9 avril et on l’accroche sur un arbre. Ça montre que le printemps arrive avec le soleil. Même ici en France, on respecte cette tradition. Pendant cette période du 1er mars jusqu’à la semaine sainte, la semaine de Pâques, on ne doit pas manger de viande et tout ce qui vient des animaux. La semaine de Pâques, les femmes restent à la maison et cuisinent beaucoup des plats traditionnels. Il y a aussi la coloration des œufs, une autre tradition importante. Enfin, elles vont à l’église pour prendre la lumière sainte à minuit pour la résurrection de dieu.
Les sarmale, plat traditionnel roumain
Les sarmale, c’est un plat traditionnel de la Roumanie que ma mère cuisine pour les fêtes de Noël et Pâques. Ça se compose de chou vert (qu’on a laissé dans de l’eau vinaigrée et salée pendant plusieurs semaines), de viande hachée, de riz, d’oignons et de plusieurs épices spécifiques (feuilles de laurier, persil, poivre…).
Dix mots et expressions en romani
– iubiptu : je t’aime
– but : beaucoup
– shaoro : enfant
– prala : frère
– sokeres ? : ça va ?
– mamo /dade : maman / papa
– san shukar : t’es beau / belle
– so haleans ? : t’as mangé quoi ?
– iubitul meu : mon copain
– viata mea : ma vie
M.A – Première
Article paru dans PPL Actus numéro 4, mars/avril 2017.
Pour des mots issus du romani, voir aussi le lexique de la street.
Photo : publicdomainpictures.net