Lycéen en première, je travaille pour Uber Eats depuis mai 2017 après les cours et le week-end. C’est une entreprise anglaise qui recrute des livreurs dans toute la France. Pour travailler chez eux, on doit d’abord créer un compte d’auto-entrepreneur. Normalement, il faut avoir l’âge légal, c’est-à-dire plus de 18 ans.
Mineur, mon frère majeur a donc ouvert un compte pour moi : 120 euros, mais la pochette pour le téléphone est gratuite !
Comme je suis mineur, mon frère majeur est parti au siège d’Uber Eats à Aubervilliers. Il a payé 120 euros de commission pour l’ouverture du compte Uber. On peut déclarer ce qu’on veut comme revenu.
Uber Eats nous donne alors la pochette pour glisser le téléphone autour du bras. Mais, vous devez alors acheter le sac qui coûte 130 euros. Vous pouvez aussi acheter le k-way vert et noir d’Uber Eats. Moi, j’ai acheté seulement le vélo sur le Bon coin à 150 euros.
A partir de là, je me suis donc connecté à l’application, j’ai pu commencer à travailler. Je reçois notamment des commandes du Mac-Do de la gare d’Asnières, de BIg Fernand à Levallois, de Pizza Hut, de Subway, de Crep’Land… Si j’accepte la commande, je suis obligé de la livrer sinon je suis sanctionné. Uber peut bloquer le compte et te convoquer au siège, voire t’accuser de vol. En effet, la clientèle qui n’a pas reçu sa commande appelle parfois l’assistance Uber pour se plaindre.
Quand je démarre la course, l’application me donne le temps nécessaire pour livrer la commande. En moyenne, je fais quinze courses par jour après l’école. Quand je commence à 16h, je finis vers minuit ou une heure du matin. Je prends des risques sur la route en grillant les feux et en zigzaguant entre les govas. Samedi dernier, comme il pleuvait, pour nous encourager à travailler, ils nous ont mis un bonus, 8 euros en plus sur 10 courses).
Il m’arrive d’avoir des pourboires, soit via l’application, soit en liquide en main propre. En moyenne, je gagne 10 euros de pourboires par jour.
Quand je commence à 16h, je finis vers minuit, 1 heure du matin. Du coup, je suis ko en cours.
Ce week-end, j’ai pu faire les 140 euros en travaillant de 11 heures à 1 heure du matin. On est payé par semaine. La semaine passée, j’ai gagné par exemple 510 euros. Ça me fait travailler les mollets et les cuisses. Du coup, je suis ko en cours.
Une technique, c’est de se mettre à proximité des restaurants comme place des Ternes à Paris, gare de Saint-Lazare. Mais, parfois, les habitants se plaignent comme devant la gare d’Asnières où se trouve le Mac-Do au 8 rue de la Station. Le directeur du Mac-Do nous a dit qu’il fallait ne plus stationner devant car les clients se plaignaient du bruit, du manque de respect des livreurs qui parlent mal parfois aux riverains. Et parfois, une fois dans le mois, des livreurs sont bourrés après le boulot.
Le statut d’auto-entrepreneur est désavantageux pour la retraite. Certains louent alors un compte avec une commission de 30% au black.
Mais, certains ne veulent pas avoir le statut d’auto-entrepreneur car il faut cotiser soi-même pour la retraite, ce qui serait désavantageux plus tard. Du coup, ils louent le compte de quelqu’un d’autre qui travaille ailleurs. La commission est en moyenne de 30% au loueur du compte. Mais, depuis quelques mois, Uber Eats a envoyé un message à tous les restaurants afin qu’ils vérifient la photo du compte. Ils envoient aussi des enquêteurs qui se font passer pour des clients.
Avec Uber Eats, c’est de l’argent à la sueur de son front. Moi, je fais ça pour avoir de l’argent de poche. Et dès que j’ai 18 ans, je compte ouvrir plusieurs comptes pour les louer à mon tour. En fait, c’est un véritable travail de chien. Mais, par jour, ils peuvent recruter plus de 100 livreurs…
Un livreur
Article paru dans PPL Actus numéro 7, décembre 2018.
Photo Wikimedia Commons : Des livreurs à vélos de plats cuisinés attendant la fin de la préparation de leurs livraisons devant PanzerotTiamo (cours Lafayette, Lyon, France) en février 2019.