Un documentaire fabuleux, L’odyssée de l’écriture

Ce film documentaire nommé « L’odyssée de l’écriture » réalisé par David Sington et produit par Arte France en 2020 retrace l’histoire de l’écriture, de son commencement à aujourd’hui, et comment elle pourrait évoluer. Il est divisé en trois parties.

Au début de l’écriture, le rébus

Le premier volet raconte la naissance de l’écriture. Elle est apparue 3 300 ans avant J-C en Égypte ainsi qu’en Mésopotamie. Au départ, c’était de simples représentations de ce que le dessin signifiait. Par exemple, des ailes définissaient les oiseaux de la région. Après ce fut le principe du rébus qui a été utilisé en Égypte. Les premières syllabes des mots sont utilisées avec d’autres afin de former des mots impossibles à représenter à l’aide d’un dessin ou pour alléger les plaques de terre cuite ou les murs qui servaient de support aux textes.

La forme de notre lettre latine A provient, après de nombreuses transformations graphiques au cours des siècles, de la forme du hiéroglyphe égyptien désignant le taureau.

L’apparition de l’alphabet, un apport des travailleurs migrants de Canaan

L’écriture ainsi que la langue évolua avec les travailleurs étrangers, les Cananéens (l’actuel Proche-Orient), qui essayèrent de reproduire l’écriture égyptienne avec un mélange de leurs propres hiéroglyphes et de leur dialecte ce qui fut la première évolution majeure de l’écriture : l’apparition d’un alphabet. Avec 25 ou 30 images ou 30 sons, nos ancêtres ont compris qu’ils pouvaient tout dire !

Le début de la démocratisation de l’écriture, avec l’apparition de l’alphabet qui est accessible à un plus grand nombre de gens, commence à Serabit El Khadim autour de 1850 avant JC. Capture écran : Les origines, premier volet de la série L’odyssée de l’écriture de David Sington, Arte, 2020.

Avec le papyrus, très bon marché, même les esclaves à Rome avaient accès à la lecture

La partie deux nous explique l’évolution des supports de l’écrit à partir des Égyptiens qui écrivaient sur du papyrus, une plante qui pousse sur le Nil. Ils l’ont travaillée pour former le papier. Cette feuille est très pratique pour écrire vite et était de bon marché. Donc les Romains l’ont également utilisée ce qui a permis à tout le monde d’avoir accès facilement à l’écriture : même les esclaves savaient écrire ! Suite à la chute de l’empire romain d’Occident, l’Europe n’a plus accès aux ressources égyptiennes. Cet accès à l’information et à l’écriture devient donc restreint car le papyrus n’est plus utilisé et de nouvelles ressources plus chères sont utilisées.

Avec le parchemin, il faut tuer 400 bêtes pour écrire un gros livre !

Donc est venu le parchemin. Ce support d’écriture est fait à partir de peaux de bête. Cette technique était très chère et très longue à réaliser. Pour un gros livre il fallait environ 400 bêtes. Par ailleurs, avec le parchemin, il ne pouvait pas écrire vite car l’encre ne s’accrochait pas. Donc les scribes prenaient beaucoup de temps à écrire un livre.

La longue préparation du parchemin par le seul maître parchemin traditionnel au monde actuellement. Contrairement au papyrus des Egyptiens, le parchemin est un produit de luxe. D’où le déclin de la lecture et de l’écriture dans l’occident médiéval réservées aux seuls riches. Capture écran : L’empreinte des civilisations, deuxième volet de la série L’odyssée de l’écriture de David Sington, Arte, 2020.

La fabrication du papier : un secret conservé pendant 600 ans par la Chine

De son côté, la Chine utilisait la pousse de jeune murier pour fabriquer du papier. Cette technique était restée un secret d’État pendant plus de 600 ans. Il fallut attendre la bataille de la rivière Talas au Kirghizistan en 751 pour que le monde musulman incorpore cette technique transmise par des imprimeurs chinois faits prisonniers par les cavaliers musulmans. Ce secret de fabrication du papier gagne ensuite l’Europe au Moyen-âge par l’intermédiaire notamment de l’Espagne musulmane.

L’invention de l‘imprimerie en 1454 par Gutenberg : une véritable révolution de l’information

Ce qui donnait une grande valeur à un livre manuscrit au Moyen-âge, ce qui en faisait sa grande qualité, c’était la régularité des lignes et des formes des lettres de l’écriture latine dont chaque lettre était détachée des autres. Or, ces qualités correspondaient précisément aux qualités des formes mobiles des caractères en plomb de l’imprimerie inventée par Gutenberg, contrairement à l’écriture arabe avec ses lettres attachées qui ne permettaient pas d’être fidèlement transposables avec les caractères mobiles. Capture écran : L’empreinte des civilisations, deuxième volet de la série L’odyssée de l’écriture de David Sington, Arte, 2020.

Ce sont ces mêmes Européens qui opérèrent une véritable révolution : en 1454, Johannes Gutenberg inventa l’imprimerie à caractères mobiles. Cette technique permet d’imprimer plusieurs mêmes pages rapidement grâce aux caractères Interchangeables en plomb, ce qui réduit drastiquement le temps de conceptions des livres et réduit leur coût. Le premier livre imprimé avec ce processus fût la Bible car il était persuadé que le livre serait acheté en masse, contrairement au Coran qui fut imprimé avec le même procédé mais qui n’eut pas le même succès car l’imprimerie fonctionne très mal sur les caractères Abjad (alphabet arabe) contrairement à l’alphabet cyrillique.

En 1928, Kemal Atatürk va jusqu’à interdire l’alphabet arabe en Turquie

Dans la troisième partie, nous abordons le 20ème siècle. Pour se moderniser plusieurs pays ont voulu révolutionner leur écriture en transformant leur alphabet en alphabet latin. Certains pays comme la Turquie ont imposé l’utilisation de l’alphabet latin. Ainsi dans les années 1920, Kemal Atatürk, pour se rapprocher de l’Europe est allé jusqu’à interdire l’utilisation de l’alphabet arabe dans son pays. La Chine quant à elle, contrairement à la Turquie, a gardé son écriture d’origine jusqu’à l’arrivée de l’alphabet latin qui est venu tout transformer.

Une écriture universelle faite d’émojis et d’émoticônes. Extrait du roman Une histoire sans mots (Grasset) de l’artiste chinois contemporain Xu Bing.

Vers une écriture globale sans mots avec les nouvelles technologies ?

A travers ce film documentaire, on en apprend davantage sur l’écriture et ses détails d’autant plus intéressants qu’ils paraissaient mystérieux. Le dernier volume de cette série s’interroge sur l’avenir de l’écriture avec l’idée d’un langage commun et d’une écriture globale à l’heure des nouvelles technologies. L’artiste contemporain chinois Xu Bing a ainsi publié un livre sans mots que tout le monde peut lire grâce aux émojis et émoticônes.

Les cadets de la République, promotion 2020-2021

L’odyssée de l’écriture de David Sington, Arte, 2020. 3×52 minutes, 20 euros. https://boutique.arte.tv/detail/l_odyssee_de_l_ecriture

Article à paraître dans PPL Actus numéro 9, mai 2021.